Les appareils, au fond, étaient des horloges à voir.
Roland Barthes
Eclaircie(s) est le projet d’une série photographique entamée en 2008 et réalisée lors de mes voyages dans différentes villes et villages du Maroc : Marrakech, Rabat, Bouqnadel, Tichka, Akchour, Fem Lhesn... En couleur et en noir et blanc, cette série est une suite d’images qui captent des lumières fugitives, à travers les transformations que subit le paysage végétal des jardins au gré des saisons.
Lors de ces voyages, j’ai été frappé par la richesse et la diversité des jardins dans les villes marocaines. Je me suis rendu compte que, contrairement à ce qui est communément admis, il existe au Maroc plusieurs espaces verts offrant un paysage qui porte en lui une de fortes potentialités picturales. Je me suis mis à photographier.
Car un paysage se déroule à l’infini sous nos yeux, l’objectif du photographe ne peut embrasser qu’une partie. Des parties qui elles-mêmes sont considérées comme des paysages une fois photographiées. Cette relation dialectique révèle que la photographie du paysage n’est pas totale, elle est substantiellement faite de fragments multiples, arrachée à un flux temporel et spatial.
La série Eclaircie(s) s’inscrit dans ce parti pris esthétique en donnant à voir un paysage végétal fragmentaire et fragmenté qui se déploie, se construisant d’une image à une autre. Les troncs, d’arbres, les feuilles mortes, les pierres, la terre, se détachent de l’impalpable noirceur, paysage matériel en perpétuel transformation. Les lumières fugitives traversent chaque image et sont indissociable d’un aveuglement premier par lequel l’œil ne voit pas ce qui lui permet de voir. Au lieu de dissiper les ombres elles les affirment.
J’ai voulu aussi présenter une proximité temporelle, de saisir les changements opérer par le temps sur les différentes matières organiques qui composent le paysage. Ma démarche consiste à questionner le temps photographique qui n’est pas l’instant de l’acte photographique, encore moins celui de l’acte de la contemplation photographique ; il est, par la photographie, proche et à jamais lointain, suspendu par l’indétermination fluente du passé et de l’avenir, de la vie et de la mort.
J’ai essayé, à travers cette série, de montrer des photographies qui se présente comme un devenir fragment du paysage qui permet de pénétrer le tissu du réel.